Série Épisode 3 Plaidoyer pour l’archéologie

L’échappée. Dominique Garcia : « Les hommes n’ont pas besoin de racines mais de repères »

À quoi sert l’archéologie ? À ce que nous ne soyons pas égarés, répond Dominique Garcia, président exécutif de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, dans ce dernier épisode de notre série en défense de cette discipline.

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Edwy Plenel

À quoi sert l’archéologie ? Pourquoi dérange-t-elle nos politiques au point que l’actuelle ministre de la culture s’en est prise aux chantiers d’archéologie préventive ? Après Jean-Paul Demoule et Alain Schnapp, nos deux précédents invités, c’est au tour de Dominique Garcia de nous éclairer, au terme de cette série d’émissions spéciales de « L’échappée ». Historien et archéologue comme ses collègues, spécialiste de la Gaule et de l’Antiquité gréco-romaine, ce professeur à l’université d’Aix-Marseille préside depuis 2014 l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

Détaillant les avancées récentes de cette discipline avec de nombreux exemples, il montre combien, loin d’être une activité uniquement d’érudition, elle est au cœur de la vie de la cité, aussi bien économique (l’aménagement du territoire) que politique (l’histoire dont le sol témoigne). « Je ne fais pas de l’archéologie pour donner des racines. On donne des racines à des légumes. Les hommes n’ont pas besoin de racines, ils ont besoin de repères », explique Dominique Garcia, en revenant sur son propre itinéraire de jeune Languedocien aux origines espagnoles, découvrant combien le présent est tissé d’héritages multiples, imbriqués, entremêlés et connectés.

Dans cet entretien, il nous fait découvrir la vitalité de recherches archéologiques qui mettent au jour une France sans cesse en mouvement, brassée par les migrations, enrichie de multiples rencontres. Les « archives du sol » que fait émerger l’archéologie, ce « laboratoire à ciel ouvert », contredisent ainsi tout récit identitaire figé, imposé et raciné. Elles sont aussi riches d’enseignements sur des défis immédiats, comme le changement climatique ou les risques pandémiques.

Ouvrage sans équivalent qu’il a coordonné avec Jean-Paul Demoule et Alain Schnapp, Une histoire des civilisations (2021) est le récit de cette histoire plurielle, avec soixante-et-onze contributions de spécialistes mondiaux qui racontent « comment l’archéologie bouleverse nos connaissances ». C’est aussi le cas, à l’échelle du seul territoire national, de deux autres sommes collectives que Dominique Garcia a dirigées, nourries des plus récentes découvertes : un Atlas archéologique de la France (2023) et La Fabrique de la France (2021), qui rend compte de vingt ans d’archéologie préventive. On lui doit aussi, avec le démographe Hervé Le Bras, la coordination d’une remarquable Archéologie des migrations (2017).

N’hésitez pas à prolonger par ces lectures le visionnage de cette série. Et à soutenir les archéologues dans leur défense d’une discipline attaquée par le court-termisme de politiques dont l’immédiateté est une irresponsabilité, tant leur idéologie de rentabilité économique ouvre la voie à la destruction sans retour de richesses infinies.